Mak Ariane
Ce projet de recherche propose d’examiner les écrits de rue (graffitis, inscriptions murales, détournements d’affiche) qui parsèment l’espace public du Royaume-Uni mobilisé dans la Seconde Guerre mondiale. Ces traces des écritures au quotidien constituent un aspect éphémère et négligé des cultures de guerre. Elles montrent que l’espace urbain n’était pas uniquement fait d’affiches de propagande mais aussi saturé d’inscriptions antisémites ou de graffitis soutenant l’ennemi. Le projet explorera également le graffiti « suspect » : à l’été 1940, alors que la peur de l’invasion ennemie est à son comble en Grande-Bretagne, plusieurs personnes soumettent des rapports de graffitis et marques murales considérées comme l’œuvre possible de communications entre espions. Ces relevés et leurs interprétations (codes, cartes, symboles ?) permettent d’explorer de manière inédite les alarmes de guerre.
Nous étudierons ces graffitis à partir des relevés et photographies réalisés par le Mass Observation de 1938 à 1943, des fonds méconnus et qui n’ont jamais été exploités auparavant. Ceux-ci permettent d’inscrire pleinement dans l’analyse la forme très particulière de ces écrits de rue. Nous partons en effet du postulat que ces messages ne peuvent être dissociés de leur dimension matérielle (variété des médiums utilisés, formes graphiques et typographiques, jeux entre écrit et image, détournements d’affiches, aspect dialogique) et de leur dimension spatiale (rues, toilettes publiques, murs, cabines téléphoniques, troncs d’arbres). Il s’agira notamment d’examiner la manière dont ces « espaces de dissension » s’insèrent dans l’écologie urbaine des sociétés belligérantes.
Ce projet de recherche inédit propose donc de croiser épigraphie, anthropologie de l’écrit, et histoire sociale et culturelle de la guerre.
Il aboutira d’une part à la publication de deux articles (en anglais et en français) dans des revues internationales à comité de lecture. D’autre part, deux manifestations scientifiques seront mises en œuvre : une exposition présentant ces graffitis du Home Front britannique, et une journée d’études internationale sur les graffitis de guerre aux XIXe et XXe siècle.