Lectures liturgiques et usages mémoriels des manuscrits des Évangiles d’Abba Garima (Éthiopie, VI-XVIe s.)

Anaïs Wion

 

Les trois manuscrits éthiopiens des évangiles conservés au monastère d’Abba Garima, dans le nord de l’Éthiopie, sont connus pour être les plus anciens témoins de manuscrits enluminés des Évangiles. Les datations proposées oscillent entre le IVè siècle, pour la datation la plus basse, et le IXè siècle, pour la plus haute. Malgré l’importance de ces manuscrits, ils demeurent très peu étudiés. Une analyse débutée en 2019 par Sergey Kim a permis de collationner ces manuscrits et, pour la première fois, d’en établir un descriptif complet. L’analyse codicologique et paléographique apporte des éléments très neufs sur cette période inconnue pour les études manuscrites éthiopiennes, l’épigraphie ge’ez s’arrêtant à la fin du royaume aksumite, au VIIsiècle et les premiers documents manuscrits sur parchemin datant des XIIe et XIIIsiècles. Les codices d’Abba Garima sont donc des témoins exceptionnels des pratiques d’écritures du bas Moyen-Âge éthiopien. Cette étude se propose d’une part d’analyser les processus de navigation sophistiqués dans le texte évangélique et les marques codicologiques diverses témoignant d’une subtilités des pratiques d’écritures et de lecture encore insoupçonnées pour le monde chrétien de cette période.

Par ailleurs, les notes liturgiques témoignent d’emprunts linguistiques qui permettent de mieux comprendre les circulations dans le monde chrétien oriental à cette époque.

Enfin, une découverte importante que promet cette étude est celle de la nature de la « préface éthiopienne » des évangiles, peut-être le plus ancien texte éthiopien connu. Son édition critique permettra sans nul doute de proposer un nouveau regard sur les premiers textes chrétiens, et plus avant, sur la christianisation de l’Éthiopie.

Une dernière spécificité de ces manuscrits est qu’ils contiennent des documents d’archives foncières. Ce fait n’est en rien surprenant en Ethiopie où ce mode de copie et de conservation des documents de la pratique est l’usage jusqu’à la période contemporaine. Néanmoins, il s’agit là encore du témoignage le plus ancien connu d’une pratique qui devint ensuite une norme. Il s’agit d’une dizaine de documents dont le plus ancien daterait peut-être du VIIè siècle, et le plus récent du XVIe siècle. Ils apportent des témoignages essentiels pour comprendre l’administration du royaume aux périodes anciennes.

Le travail de description et d’édition des notes se fera en TEI-XML, dans l’interface Beta Masaheft, un projet collaboratif de grande ampleur développé à l’Université de Hambourg (Hiob Ludolf center). Ce travail associera le nouveau découpage des photographies des manuscrits, le catalogage des trois volumes et une édition des notes ainsi que de la « préface éthiopienne ».

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