Béranger Marine
Plusieurs contraintes étaient imposées aux scripteurs en Mésopotamie : les signes d’écriture et les valeurs associées à chaque signe variaient d’un royaume à l’autre et n’étaient pas les mêmes selon le genre du texte mis par écrit (lettre, document comptable, rapport divinatoire, chronique royale…) ni selon la catégorie grammaticale du mot. Les recherches sur les systèmes d’écriture ont révélé que, d’une manière générale, les signes ne se limitent pas à transcrire les mots d’une langue. Les graphèmes et l’orthographe ont aussi un pouvoir symbolique. Les « graphies historiques », attestées dans les noms propres du IIe mil. av. J.-C., reflètent l’identité de la communauté des scribes et révèlent son traditionalisme.
Le support de l’écrit variait lui aussi en fonction du genre du texte, de même que la forme des signes. Les variations de la forme des signes ont été largement étudiées pour le passage de la pierre à l’argile, mais le passage d’un genre à un autre sur un seul et même support (les tablettes d’argile) n’a pas suscité de recherches. La comparaison avec les autres systèmes d’écriture (tels que l’alphabet latin) incite pourtant à entreprendre de telles recherches.
Les multiples conventions qui sous-tendaient l’acte d’écrire en Mésopotamie, qui opéraient à différents niveaux – lors du choix du support, du format, du signe d’écriture, de la forme du signe et de la valeur graphique appropriés – sont encore largement inconnues. Tant sur le plan synchronique que sur le plan diachronique, de nombreuses recherches sont encore à mener pour recenser et comprendre ces règles d’écriture et écrire l’histoire de leurs mutations. Notre projet vise à constituer un groupe de recherche autour de ces questions. Dans un premier temps, nous réunirons plusieurs spécialistes dans le but de construire ensemble une méthodologie de recherche et de constituer un inventaire commun des signes et valeurs graphiques utilisés dans les différents royaumes mésopotamiens aux différentes époques. Cet inventaire sera à terme mis à la disposition de la communauté scientifique. Dans un deuxième temps, nous organiserons un colloque international qui réunira une dizaine d’épigraphistes, historiens, linguistes et paléographes dont les travaux portent sur le système d’écriture cunéiforme. Ensemble, nous réfléchirons aux multiples conventions qui gouvernaient l’acte d’écrire en Mésopotamie. Ce colloque sera l’occasion de développer les recherches sur la matérialité de l’écrit, et plus particulièrement sur les conventions qui présidaient au choix du support, du format et de la forme